Une nuée d'oignons s'écrase au sol, imbibant la terre sèche de leur jus aigre-doux. Le liquide opaque coule sur les parois de ma tente, je me retourne encore sur l'oreiller, respirant les dernières particules de ton odeur. Les bulbes éclatent violemment au bas de la pente, les couches s'éparpillant alentours, éclaboussant les goulaguiers.

Je referme le livre avec le sentiment de rester sur ma faim. Je ne vois plus l'interêt de faire semblant de sourire, je n'ai pas envie. Je descends la pente, les oignons pleuvent et le vent souffle. Je descends les quelques marches en pierre, le rouleau de papier cul ballotant dans ma main n'était qu'un inutile prétexte pour personne en particulier. L'air est lourd et le vent soulève ma nuisette, mais plus personne n'est là pour s'indigner non plus.

Chez vous, l'herbe a repoussé en touffes grasses et vertes, et j'ose à peine poser mes pieds nus sur ce parterre juteux. Il n'y a plus rien de vous, si ce n'est les fils à linge que vous aviez promis de détacher. C'est peine perdue, vous n'êtes plus là, j'essuie mes mains pleines de camboui sur la mousse d'un arbre. Je remonte la pente, j'ai le coeur et la tête vides à exploser, je voudrais me coucher et ne penser à rien, mais je ne sais pas faire ca. Je m'étale sur mon duvet crasseux et froid, la pluie de bulbes a cessé. J'ai la sensation d'être à moitié morte, tu n'es pas à côté de moi et le drap est glacé.

Je survole ma tente, la boîte de capotes à moitié pleine dans une poche, le cendar renversé et les culs de joints éparpillés sur le tapis de sol, les galets soigneusement sélectionnés pour faire des ricochets qui ne serviront pas, les piles déchargées et le dé lumineux.

Ma lampe faiblit et finit par s'éteindre, je garde les yeux exorbités à en avoir mal, allez savoir pourquoi je scrute l'obscurité à la recherche de quelque chose, quoi que ce soit de toi, mais il n'y a plus rien, et les seuls bruits venant troubler l'épais silence sont les grognements des sangliers et les criquets sur les branches. L'endroit où tu posais ta tête sur l'oreiller a repris sa forme de con de coussin, et la douce moiteur du soir s'est envolée, l'air est irrespirable d'inospitalité.

Les paupières closes, je m'imagine ta peau et tes yeux noisette. L'aube se lève, puis le matin arrive, l'après-midi passe, les heures ont défilé à toute allure et je n'ai pas dormi. J'aurais voulu que tu restes, regarder le couchant orangé avec toi en buvant du Farfadet, où le soleil se reflèterait dans les bulles roses du vin, et attendre que la lune apparaisse en écoutant les dernières cigales.

La nuit tombe, la terre est grise. J'ai mal partout, je n'arrive pas à me relever de ma chute.

Je suis assise le cul par terre, dégringolée du 7ème ciel, à attendre un miracle de toi.

Come back and paradise me.

You paradised me

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